Interview de YOKO TARO et Yosuke Saito pour les 15 ans de NieR

Pour célébrer le 15e anniversaire de la série NieR, SquareEnix a demandé à son producteur et à son directeur créatif de partager leurs souvenirs de la création de ces jeux inoubliables. En voici une retranscription traduite de l’anglais au français.


Saviez-vous que 2025 marque les 15 ans de la série NieR ?

Cela fait donc 15 ans de narration incroyable, de gameplay déroutant, de bandes originales inoubliables et de désespoir existentiel.

C’est un sacré parcours pour cette série, et pour fêter ce cap symbolique, nous avons demandé au directeur créatif YOKO TARO et au producteur Yosuke Saito de partager leurs souvenirs autour de ces jeux marquants.


Qu’est-ce qui vous a inspiré pour créer le premier jeu NieR ?

Yosuke Saito (Producteur de la série NieR) :
DRAKENGARD était sorti, et il n’avait pas très bien marché, mais je trouvais dommage que le génie de YOKO TARO reste dans l’ombre.
Alors, j’ai discuté avec M. Takuya Iwasaki du studio Cavia (aujourd’hui chez ILCA), et nous avons décidé de lancer NieR comme nouveau projet.


L’un des aspects marquants du jeu est sa variété de genres. Un moment c’est un jeu d’action à la 3e personne, l’instant d’après une aventure textuelle. Pourquoi ce choix ?

YOKO TARO (Directeur créatif de la série NieR) :
J’en avais assez des jeux où, après 20 minutes, on sait exactement comment vont se dérouler les 20 heures suivantes.
Je me suis donc dit que ce serait bien d’y intégrer d’autres genres.


Quels défis avez-vous rencontrés en concevant ces styles de jeu variés ?

YOKO TARO :
Il n’y a pas eu de difficultés majeures durant la production, mais j’ai trouvé dommage que cela n’ait pas été beaucoup commenté après la sortie, alors qu’on y avait mis tant d’efforts.


Quels sont vos souvenirs les plus marquants de la création de NieR ?

YOKO TARO :
Je me souviens que les responsables de SQUARE ENIX USA me disaient sans arrêt : « Agrandis le torse du héros ! Plus grand, je te dis ! »

Yosuke Saito :
M. YOKO avait gardé le secret sur le fait que le jeu supprimait la sauvegarde du joueur, mais d’autres membres de l’équipe me l’avaient confié discrètement.
Mon souvenir préféré, c’est peut-être d’avoir laissé passer ça. J’ai dit : « C’est bon ! C’est sûrement un hommage à DRAGON QUEST ! »
Bon… apparemment, ce n’en était pas un (rires).


Quelle a été votre plus grande leçon lors du développement du premier NieR ?

Yosuke Saito :
J’ai appris que ce sont les réalisateurs, pas les producteurs, qui font les jeux. C’est difficile à expliquer complètement, mais je pense que c’est vrai.

YOKO TARO :
J’ai découvert que j’étais encore plus négligent que je ne le pensais.


Quel a été le plus gros défi pour vous et comment l’avez-vous surmonté ?

Yosuke Saito :
Le moteur du jeu a mis une éternité à être développé. On a passé plus d’un an sur la chambre d’Hansel et Gretel dans le Sanctuaire Perdu, en écoutant en boucle le thème Blu-Bird, sans qu’on ait l’impression d’avancer.
C’était stressant. J’ai souvent songé à abandonner le développement.

YOKO TARO :
Le plus dur pour moi, c’est quelque chose dont je ne peux pas parler avec les autres…


Y a-t-il un moment ou un personnage que vous aimez particulièrement ?

YOKO TARO :
Ce serait l’histoire du Roi de Façade et de Fyra.
Je l’avais écrite assez tôt. À la base, c’était une histoire centrée sur le héros, mais Fyra est morte au cours de l’écriture, alors j’ai décidé de centrer le récit sur un personnage secondaire.

Yosuke Saito :
Pour moi, c’est l’histoire de Devola et Popola. Ma scène préférée, c’est le cri déchirant de la douce Popola.


De quoi êtes-vous le plus fier à propos du premier NieR ?

YOKO TARO :
Le simple fait qu’on ait réussi à le terminer et à le sortir. Rien que ça, c’était déjà difficile.

Yosuke Saito :
Le fait qu’on ait pu financer un nouveau jeu avec M. YOKO à la réalisation.


NieR Replicant ver.1.22474487139… est une remastérisation impressionnante. Pourquoi revenir sur ce jeu ?

Yosuke Saito :
Principalement parce que NieR:Automata a été un succès, et qu’il y avait encore beaucoup de gens qui n’avaient jamais joué au premier NieR.
Je savais aussi que de nombreux joueurs en dehors du Japon n’avaient jamais vu la version frère-sœur de NieR, et je voulais qu’ils puissent la découvrir.


Une question que tout le monde se pose : que signifie 1.22474487139… ?

YOKO TARO :
Si on l’avait appelé Ver.2, les gens auraient cru que c’était un remake, donc on a opté pour un chiffre plus modeste pour montrer que c’était juste un remaster.
Et ma grand-mère m’a toujours dit que la modestie, c’est la clé pour se faire aimer. (Bon, elle ne me l’a pas dit.)


Quelles ont été vos inspirations pour NieR:Automata ?

YOKO TARO :
Clairement Evangelion. Mais en fait, tout ce que je fais est influencé par Evangelion.


D’où vient l’idée d’opposer des androïdes à des robots ?

YOKO TARO :
Pour NieR, on avait décidé de se placer dans un monde sans humains, donc on a dû créer une histoire sans eux.
Je me dis aujourd’hui que je ne devrais peut-être pas éliminer les humains aussi facilement…


Le jeu propose plusieurs fins. D’où vient cette idée ?

YOKO TARO :
C’est une idée qu’on a reprise de DRAKENGARD.
Et puis, Square Enix nous avait dit : « Ajoutez plus de contenu ! »


Qu’avez-vous appris en travaillant sur ce projet ?

Yosuke Saito :
Que le fait d’avoir une vision claire du produit final dès le début change énormément la donne.
Ça paraît évident, mais les jeux qui partent dans tous les sens dès la pré-production se tordent en route, et ça ne se passe jamais bien.

YOKO TARO :
Beaucoup de gens ont quitté le projet. J’ai alors réalisé, avec douleur, que je n’ai absolument aucun charisme.


Quels ont été les plus grands défis sur NieR:Automata et comment les avez-vous surmontés ?

YOKO TARO :
Il y en a eu plusieurs, et j’ai souvent envisagé de quitter le projet.
Mais le pire, c’est qu’on m’a imposé d’arriver au bureau à 10h du matin, alors que je n’avais signé aucun contrat d’horaires…
Je n’ai jamais respecté ça, et j’ai failli me faire virer à cause de ça.

Yosuke Saito :
Le plus dur, c’est sans doute quand M. YOKO menaçait de tout abandonner et que je devais le retenir… par la force (?). Je suis content d’avoir tenu bon (rires).


De quoi êtes-vous le plus fier avec NieR:Automata ?

YOKO TARO :
D’avoir pu mettre en avant le travail du senior game designer, M. Takahisa Taura.

Yosuke Saito :
D’avoir insisté pour relancer la série alors que le premier NieR n’avait pas été un succès, et d’avoir réussi à lancer ce projet.
Je suis heureux que ça ait marché. Sinon, j’aurais probablement dû quitter SQUARE ENIX… ou on m’aurait forcé à le faire.


Quand avez-vous pris conscience de la passion des fans pour NieR:Automata ?

YOKO TARO :
Il y avait déjà des fans passionnés à l’époque de DRAKENGARD. Je leur suis extrêmement reconnaissant.
J’ai l’impression que plus NieR:Automata se vendait, plus il y avait de fans passionnés.

Yosuke Saito :
Lorsqu’on a fait une tournée de concerts dans le monde entier, et que j’ai entendu le public applaudir. Je me suis dit : « Waouh, il y a vraiment des gens qui aiment ça à ce point ? »


Avez-vous des souvenirs marquants avec des fans ?

YOKO TARO :
Chaque interaction avec les fans est un plaisir.
Mais quand je croise un couple canon qui me dit qu’ils se sont mis ensemble grâce à NieR… comment dire… j’ai l’impression qu’une boue tiède s’étale au fond de mon cœur.

Yosuke Saito :
Probablement les rencontres après les concerts. Même si on n’a pas pu en faire au Japon…


Enfin, un message pour les fans à l’occasion de cet anniversaire ?

YOKO TARO :
J’espère que le nombre d’enfants qui souffrent à cause des caprices des adultes diminuera, même un tout petit peu.

Yosuke Saito :
Merci pour votre soutien continu. J’ai répondu à cette interview sans savoir ce qu’avait dit M. YOKO, donc je me demande si mes réponses sont vraiment différentes des siennes.
M. YOKO et moi sommes condamnés à cohabiter maintenant. On vieillit tous les deux, mais j’espère qu’on pourra encore vous surprendre tant qu’on en a la force.

À l’avenir !


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